Testata


De Science et Foi n° 67 - premier trimestre 2003

LE DÉLUGE FAIT DES VAGUES

Chrysogone

« Élèves-tu la voix dans les nuages, et le déluge t'obéira-t-il ? »
(Job, 38,34) 


Les Cahiers de Science et Vie sont une publication bimestrielle disponible en kiosque, abordant différents thèmes liés «aux racines du monde» comme l'indique leur sous-titre. Bien illustrés, faisant appel à des spécialistes variés, ils n'hésitent pas à aborder parfois des thèmes divers comme la construction des cathédrales ou le monde d'Homère. Le numéro 72, paru en décembre dernier, est consacré au Déluge, présenté par l'annonce suivante: «La science face au mythe biblique»! Vaste programme ! Nous avions déjà signalé ce retour du Déluge dans les sciences de la Terre, comme du catastrophisme en général en géologie. S'agit-il pour les tenants de l'établissement scientifique d'allumer en quelque sorte des contre-feux dans ce domaine comme dans d'autres? Parcourons ce cahier.

Matériellement, il est bien fait, non totalement dénué d'intérêt, mais d'un esprit qui n'est évidemment pas le nôtre, comme son titre l'indique. Parfois pourtant le diable porte pierre! Nous constatons ici, une fois de plus, les dégâts occasionnés par la théorie documentaire, véritable prêt-à-penser de l'examen des textes bibliques en notre époque. Lune des premières conséquences de l'étude de ce qui n'est d'abord perçu que comme un simple texte, est de dissoudre le Déluge biblique au sein d 'un «courant littéraire général et plus ancien que lui» (p. 22) Qu'il y ait des analogies et des rapports, personne n'en disconviendra; mais comment ne pas voir - ne serait-ce qu'en précision - que le récit biblique l'emporte sur tous les autres? C'est de cet événement unique dans l'histoire, qui a changé hier la face du monde et qui change encore aujourd'hui la vision du monde, que la plupart des mythes sont l'écho dans la mémoire des hommes. Nier la possibilité d'un tel événement va à l'encontre de plusieurs centaines de récits d'origines diverses.

Grâce à Madame Maria Susana Seguin, nous avons le plaisir de lire une évocation du père Kircher, précurseur de Fernand Crombette, «représentant tardif de la philosophie de la Renaissance,... personnage surprenant, aussi bien par son érudition que par son imagination..., affirmant, bien avant Champollion, que le copte est un vestige de l'ancienne langue égyptienne» (p. 38), et qui publia en 1675 son De Arca Noe: «Cartes et plans à l'appui, Kircher prouve que l'arche fut construite dans la région d'Eden, près des forêts de cèdres des montagnes du Liban (au nord), et de la Mésopotamie, dont les fleuves facilitaient le transport du bois... Kircher procède aussi à des calculs extrêmement subtils pour expliquer comment, malgré sa forme, l'arche était capable de flotter (mais non de naviguer) et de sauvegarder sa précieuse cargaison.» (p. 39) Remarquons au passage, à partir de l'iconographie, la ressemblance de sa reconstruction avec celle d'Angelo Palego.

Auteur d'une thèse universitaire sur un aspect de ce sujet: Science et Religion dans la pensée française du dix-huitième siècle. Le mythe du Déluge universel (Paris, Honoré Champion, 2001), Madame Maria Susana Seguin établit aussi comment pour les hommes de cette époque, le Déluge est devenu problématique, entraînant l'éclatement de la chronologie traditionnelle: « Pour ces penseurs des Lumières, la réfutation de l'universalité du Déluge implique la mise en question du schéma historique humain selon la tradition judéo-chrétienne» (p. 54) Et de conclure son article: « La Nature prend désormais la place attribuée au Créateur, et l'Homme peut enfin prendre en charge le cours de son Histoire »(p. 56) C.Q.F.D.

Et comment l'Église interprète-t-elle le Déluge biblique se demandent Les Cahiers de Science et Vie!Pour cela ils recueillent les réponses de « Jacques Briend, professeur honoraire à l'Institut Catholique, spécialiste de l'Ancien Testament et d'archéologie, et aussi membre de la commission biblique pontificale.» (p. 58) De cet entretien, nous retiendrons les points qui suivent. A la question: « Aujourd'hui, comment le récit du Déluge est-il interprété par la communauté catholique?», Jacques Briend répond: « A ce jour, il n'existe pas de preuve archéologique qui attesterait qu'un phénomène de déluge se soit réellement produit.» (p. 59) Suit l'interprétation exégétique et morale de l'événement relaté. Puis à la question « Aux États-Unis, il existe des mouvements religieux qui défendent la réalité du texte biblique tout en se réclamant du catholicisme. Quelle est leur position ?» (p. 60), Jacques Briend apporte les intéressantes précisions suivantes: «Beaucoup de chrétiens américains, essentiellement dans les églises protestantes et évangéliques vous diront que le Déluge s'est réellement produit. lls ont une lecture fondamentaliste des textes bibliques et se réfèrent souvent au créationnisme... Du côte de l'Église catholique, il ne faut pas nier qu'il existe aussi certains croyants qui versent dans le fondamentalisme, personne, d'ailleurs, ne le leur interdit. Mais cette lecture est marginale et ne représente pas celle de la majorité de l'église catholique.» Et une fois de plus d'opposer à cela une mise en garde à partir du texte sur l'interprétation de la Bible dans l'Église. Pour terminer par la flèche du Parthe suivante: « Ainsi, aujourd'hui, chaque catholique, en fonction de ses connaissances scientifiques, interprète le récit à sa manière et c'est ainsi qu'il existe, au sein d'une même communauté, des évolutionnistes et des créationnistes. Le Vatican respecte la foi de tous ces gens - là, et ne prend pas de position officielle sur ce sujet. Cependant, je vous mets au défi de trouver un texte où l'autorité catholique, en la personne du Pape, définit l'interprétation du Déluge de manière fondamentaliste! »

Défi que nous relevons sans difficulté, en renvoyant à la deuxième épitre du premier d'entre eux, à saint Pierre lui-même, dont, si besoin est dans les querelles exégétiques, le père Philippe Rolland nous garantit l'authenticité dans son dernier ouvrage consacré au triomphe du modernisme depuis vingt ans La mode «pseudo» en exégèse (Éditions de Paris) !

Suit un article rapportant quelques récits d'expéditions sur l'Ararat, relevant au passage pour la dénigrer la découverte de Fernand Navarra. Résultats des courses: «L'arche de Noé demeure introuvable.» (p.67) Information ou désinformation ? Pas un mot des recherches de A. Palego !

Enfin du Golfe Persique à la Mer Noire, nous retombons sur les extrapolations géologiques à la mode depuis quelque temps. Tout n'y est pas sans intérêt une fois que l'on aura rectifié la chronologie. Même Les Cahiers de Science et Vies'en aperçoivent, en faisant remarquer à Walter Ryan, un des partisans du Déluge en Mer Noire: «vos résultats sont principalement basés sur le carbone 14. Or cette technique n'est pas fiable à 100 %...» (p. 85). Lui-même en convient et déclare par ailleurs: «... je ne dis pas que l'inondation de la Mer Moire est celle de Noé » (p. 86), ce qui ne l'empêche pas ensuite d'affirmer: «Je pense qu'il faut prendre le Déluge biblique comme la métaphore d'un phénomène naturel, c'est tout.» (p. 87)!

Laissons là ce numéro des Cahiers de Science et Vie, et pour nous remettre les idées à l'endroit, reportons-nous à cette synthèse unique de l'histoire de la Terre qu'est la Géographie Divine par laquelle il faut commencer l'étude de l'œuvre de Fernand Crombette en la prolongeant ultérieurement par la Révélation de la Révélation. A compléter également par les travaux de Monsieur Berthault dont les scientifiques libres penseurs ont bien vu l'importance. N'est-ce pas la connaissance de la vérité qui nous rend libres?

A l'heure où de nouveau le monde s'embrasse dans ce qui fut le Croissant Fertile, nos préoccupations peuvent sembler loin des événements, même si celles-ci ne les excluent pas, et même si par certains aspects elles les éclairent. N'est-ce pas non plus, en un certain sens, et en restant prudent, un signe des temps (avec beaucoup d'autres !) que réapparaisse l'intérêt pour le Déluge et que l'Arche soit sur le point d'être de nouveau accessible? Si la recherche de l'Arche n'est pas sans intérêt ne serait-ce qu'apologétique, en ces temps apocalyptiques, c'est vers la Reine de la Paix, Arche de la Nouvelle Alliance, Fœderis Arca, qu'il faut tourner nos regards et diriger nos prières: « Mais priez mes enfants...» est une demande constante des apparitions mariales de notre temps. En effet, écrivait saint Louis-Marie Grignon de Montfort: «Le pouvoir de Marie sur tous les diables éclatera particulièrement dans les derniers temps, où Satan mettra des embûches à son talon, c'est - dire à ses humbles esclaves et à ses pauvres enfants qu'elle suscitera pour lui faire la guerre... En union avec Marie, ils écraseront la tête du diable et feront triompher Jésus-Christ... Mais quand et comment cela sera-t-il? Dieu seul le sait.» (Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge)

Ceshe 1999 -